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Sur le motif... au bord du Cher

         Davantage que celui du dessin, le goût de la peinture apparaît chez Alex HERMANT en même temps que sa passion inconditionnelle des orages s'accentue, c'est à dire au début de l'adolescence... sous la forme d'un déclic au détour d’un magazine dans lequel il découvre le « Guernica » de Picasso.

 

 

          Un peu plus tard, cette attirance s’accentue lors d’une émission de télévision, consacrée au peintre Giorgio de Chirico. Ses ciels crépusculaires conjugués à l'étrangeté de ses perspectives romaines l'obsèdent pour longtemps, de la même manière que s’imprègne en lui le souvenir de la voix off qui, tout au long du reportage, paraît envelopper les images peintes de Chirico, rappelant et psalmodiant l’univers « métaphysique » dont elles s’échappent comme autant d'émanations indicibles.


 

          « Métaphysique ». Bien qu’il en ignore encore la signification, d’emblée, Alex HERMANT est happé par une sorte de compréhension intuitive, en même temps qu’il en éprouve le caractère particulièrement vertigineux. Il trouve alors extraordinaire qu'un homme puisse exprimer par la peinture l’inconnaissable et l'énigme qui en découle.

Tête de mannequin dans l'esprit de Chirico                                Etude de cruche d'après les frères Le Nain

           A l'adolescence, Alex HERMANT se fixe pour objectif de tenter d’exprimer à son tour par l’intermédiaire de son œil (d’artiste peintre et de photographe) cette émanation du mystère ambiant qui, depuis l'enfance, marque de son sceau chaque recoin dans lequel se perd son regard, particulièrement dans la blancheur antique des calcaires marseillais avivée par le mistral.


 

          Cependant, en même temps que s’écoule et s’épuise son adolescence, son élan et son penchant pour le cubisme, le surréalisme et l'art contemporain en général s'amenuisent, sans doute en raison de messages omniprésents et trop orientés. Un peu plus tard, désireux d’apposer sur son art le sceau de son amour immodéré pour les paysages qui composent la planète de son enfance, Alex HERMANT s’oriente vers une peinture mixant romantisme et pré-impressionnisme et aux thèmes contrastés. La vallée du Cher arborée par ses saules argentés et ses ormes bleus aujourd'hui disparus, le Bas-Berry aux chemins verdoyants et parfois inquiétants, les côtes bretonnes ou encore la côte méditerranéenne et ses lieux teintés d’une atmosphère antique… chaque paysage revêt les contours d’un prétexte, ou d’une opportunité, de célébrer une beauté toujours complexe, singulière et captivante.

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Ebauche de ciel  en plein air. Vendée

Ebauche de ciel en plein air. Bas-Berry

           En pareil contexte, naturellement, peu à peu, d’autres influences enflamment l’âme et l’art d’Alex HERMANT. Tout d’abord, celle de l'école de Barbizon, puis des paysagistes anglais, mais aussi Pierre Henri de Valencienne et Corot en tant que les précurseurs français d'un paysage plus spontané. Autant de révélations qui constituent le point de départ d’un apprentissage des paysages portraits peints sur le motif. Il en réalise ainsi des centaines sur de petits panneaux de bois, ayant pour terrain d’expérimentation le Berry et la région de Hérisson, dans l'Allier, patrie provisoire du célèbre peintre Harpignies.

 

 

          Concernant la technique, au début des années 80, Alex HERMANT étudie la peinture à la loupe, aussi bien dans les musées parisiens que lors des rétrospectives du Grand Palais, comme celle de Turner ou de Claude Lorrain. C'est ainsi que la matière picturale de Rubens l'incite à la fabrication de ses propres vernis à peindre. Ses fréquentes visites au Louvre, qui demeure son musée de prédilection avec le musée du Jeu de Paume, sont associées à la visite des sites autour de Paris qui inspirèrent certains paysagistes ou cinéastes tels que Jean Renoir.

            Durant ces mêmes années, il multiplie l'exercice de la peinture pastorale en s'efforçant de retenir au mieux les leçons de ses maîtres divers. Pérenniser partiellement certaines de leurs traditions tant sur le plan de la matière picturale ou des composants que de la touche s’apparente un peu à un refus de leur disparition… à un désir de les ressusciter.

          En effet, chaque fois qu'il plante son chevalet dans une friche, un champ de coquelicots, au bord du canal du Berry ou dans la région de Marseille, le sortilège de cette douce campagne ou de la mer exhorte sa joie de vivre au point que ces instants lui paraissent des tranches d'éternité, remparts éphémères le protégeant de l'impermanence.

          Mais, le plus souvent, son allégresse se dissipe lorsqu'il se surprend à songer que Constable, Corot, Diaz, Boudin... avaient été bercés par cette même lumière, ces nuances subtiles, ce vent magique … en somme, que l'enchantement pastoral les avaient également assoupis dans cette illusion d'appartenir à ces paysages immuables, dans l'expérience de l'immortalité, de l'abolition de l'espace et du temps.

 

 

          Rapidement, il réalise qu'il ne sera pas un peintre en quête d’identité, mais un « fil conducteur » entre deux époques. Une passerelle. Ce qui importe n'étant pas d’acquérir à tout prix une notoriété ou une quelconque reconnaissance de « son » art… mais de célébrer la vie éphémère en œuvrant à une forme de résurrection et ce, en préservant coûte que coûte des traditions... ainsi que les émotions vécues par ses chers peintres disparus.

 

 

          Selon lui, les émotions de bonheur intense, les quelques états de grâce… sont semblables à des flèches d'allégresse qui nous transpercent un instant et trouvent en certains êtres un réceptacle, et même davantage: parce qu'ils les ré-émettent à leur tour sous la forme de créations ou d'inspirations nouvelles, elles puisent dans ces âmes ouvertes et fécondes matière à continuer d'être et d'exister en même temps que l'énergie de poursuivre leur chemin lumineux dans un mouvement perpétuel.

 

        Au final, Alex HERMANT ne peut se définir comme un artiste contrôlant un art émanant de lui-même mais comme une simple entité récoltant quelques unes de ces étranges émanations. De plus, grandit en lui l'idée, voire l'intuition... que son art n'est ni au service de l’ego, ni affaire de choix, ni de volonté, mais un simple phénomène imposé par le destin, qui s'inscrit dans une continuité intemporelle. Cette démarche, cette conception de l'art sous-tend d'ailleurs l'intention d'Alex HERMANT consistant à peindre le plus souvent sous pseudonymes divers, c'est à dire bien loin de son nom plus réputé du fait de ses compétences en matière de phénomènes orageux sur le terrain, en tant que créateur du Musée de la Foudre et auteur de plusieurs ouvrages ayant trait à sa passion pour « le Feu du Ciel ».

 

          Loin des mouvements artistiques qui s'attachent à l'essence plus qu'à la forme, conscient de ne représenter qu'une réalité idéale et de prime abord purement visuelle, Alex HERMANT pense que tout acte artistique, qu'il exhorte ou dissimule l'envers du décor, semble soumis à la même pression extérieure subtile et irrationnelle et que la métaphysique est au final aussi présente chez Claude Lorrain ou Edward Hopper que chez Gorgio de Chirico.

La peinture d'Alex HERMANT s'inscrit également dans un refus partiel du monde moderne, tout au moins celui qui fait croire à l'homme qu'il est le "centrum centri" et qui, par le truchement de l'art ainsi que par la manipulation des artistes, vise à une désacralisation de la vie précieuse, une déstructuration systématique de l'idéal, du paysage et finalement du Divin.


 

                                                                                                                                                    ( Portrait réalisé par Dalila CADELLYS)

Marseille. La place Castellane et l'avenue du Prado verglacées. Interprétation sur la base d'une carte ancienne. Période d'étude sur le travail de Galien Laloue et sur l'organisation géométrique des groupes dans l'espace en contre-plongée. Signé sous le pseudo A.d. Strega.

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